THÈME SPÉCIAL: LES PRÉDICTIONS SUR LE FUTUR CONTENUES DANS L’ANCIEN TESTAMENT CONTRE LES PRÉDICTIONS CONTENUES DANS LE NOUVEAU TESTAMENT

                                 (“Cruciale Introduction” à l’Apocalypse)

 

Durant mes années d’étude de l’eschatologie, j’ai constaté que la plupart des Chrétiens n’ont ou n’aiment pas une chronologie développée et systématique de la fin des temps. Il y a des Chrétiens qui se focalisent ou se spécialisent dans ce domaine du Christianisme pour des raisons théologiques, psychologiques, ou confessionnelles (dénominationnelles). Ces Chrétiens paraissent si obsédés par la façon dont tout cela va finir, qu’ils en viennent d’une manière ou d’une autre à louper l’urgence de l’Evangile! Les croyants ne peuvent pas affecter ou influer sur l’agenda eschatologique (de la fin des temps) décidé par Dieu, mais peuvent participer dans le mandat de l’Evangile (cfr. Matth. 28:19-20; Luc 24:47; Actes 1:8). La plupart des croyants affirment qu’il y aura une Seconde Venue du Christ et une apogée de promesses de Dieu. Mais il y a, du fait de plusieurs paradoxes bibliques (voir Thème Spécial: Les Paradoxes dans les Ecritures), des difficultés interprétatives qui surgissent quant à comment comprendre cette apogée temporelle. Il y a:

                1.  tension entre le modèle prophétique de l’Ancienne Alliance et le modèle apostolique de la Nouvelle Alliance

            2.  tension entre le monothéisme de la Bible (un même Dieu pour tous) et l’élection d’Israël (un peuple spécial)

            3.  tension entre l’aspect conditionnel des alliances et promesses bibliques (“si. . . alors”) et la fidélité inconditionnelle de Dieu pour la rédemption de l’homme déchu

            4.  tension entre les genres littéraires du Proche-Orient et les modèles littéraires modernes de l’occident

            5.  tension autour du Royaume de Dieu en tant que réalité à la fois présente et future en même temps.

            6.  tension entre la croyance dans le retour imminent du Christ et la croyance en la survenance préalable de certains événements.

 

Examinons ces tensions l’une après l’autre:

 

            PREMIÈRE TENSION (Les catégories raciales, nationales, et géographiques de l’Ancien Testament face à l’ensemble des croyants du monde entier)

            Alors que les prophètes de l’Ancien Testament ont prédit une restauration d’un royaume Juif en Palestine centré autour de Jérusalem où toutes les nations de la terre se rassembleront pour louer et servir un prince de la lignée de     

            David, curieusement ni Jésus ni les apôtres du Nouvent Testament ne se sont focalisés sur cet agenda. N’est-ce pas que l’Ancien Testament est inspiré (cfr. Matth. 5:17-19)? Les auteurs du Nouveau Testament auraient-ils omis des

            événements cruciaux de la fin des temps?

            Il y a plusieurs sources d’information relatives à la fin du monde:

            1.  Les prophètes de l’Ancien Testament (Esaïe, Michée, malachie)

            2.  Les auteurs apocalyptiques de l’Ancien Testament (cfr. Ezéch. 37-39; Dan. 7-12; Zacharie)

            3.  Les auteurs apocalyptiques Juifs intertestamentaux, non-canoniques (tel que 1 Enoch, auquel une allusion est faite dans Jude)

            4.  Jésus lui-même (cfr. Matth. 24; Marc 13; Luc 21)

            5.  Les écrits de Paul (cfr. 1 Cor.  15; 2 Cor. 5; 1 Thes.  4-5; 2 Thes. 2)

            6.  Les écrits de Jean (1 Jean et Apocalypse)

 

            Toutes ces sources enseignent-elles clairement l’agenda de la fin des temps (événements, chronologie, personnes impliquées)? Si non, pourquoi? Ne sont-ils pas tous inspirés (à l’exception des écrits intertestamentaux Juifs)?

            Les vérités ont été révélées aux auteurs de l’Ancien Testament par l’Esprit en des termes et catégories qu’ils pouvaient comprendre. Cependant, l’Esprit, à travers une révélation progressive, a développé ou donné à ces concepts   

            eschatologiques de l’Ancien Testament une portée universelle (“le mystère du Christ,” cfr. Eph. 2:11-3:13). En voici quelques exemples pertinents:

1.  La ville de Jérusalem dans l’Ancien Testament était une métaphore du peuple de Dieu (Sion), mais dans le Nouveau Testament elle projetée comme un terme exprimant l’acceptation par Dieu de tous les humains repentis et     

     croyants (la nouvelle Jérusalem de l’Apocalypse 21-22). L’extension théologique d’une ville littérale ou physique en un nouveau peuple de Dieu (Croyants Juifs et Gentils) avait été déjà prévue dans la promesse de Dieu de racheter

     l’homme déchu dans Genèse 3:15, avant même qu’une quelconque capitale ou ville Juive n’ait vu le jour. Et même l’appel d’Abraham (cfr. Gen. 12:1-3) incluait bien les Gentils (cfr. Gen. 12:3; Exode 19:5). Voir Thème Spécial: Le  

     Plan de Rédemption Éternelle de YHWH.

2.  Dans l’Ancien Testament, les ennemis du peuple de Dieu étaient les des nations environnantes du Proche-Orient Antique, mais dans le Nouveau Testament le concept a été étendu à tous les hommes incrédules, anti-Dieu, et Sata-

     niquement inspirés. La battaille est ainsi passée d’un conflit géographique, régional à un conflit mondial et cosmique (cfr. Epitre aux Colossiens).

3.  La promesse d’une terre si intégrale dans l’Ancien Testament (les promesses faites aux Patriarches dans le livre de Genèse, cfr. Gen. 12:7; 13:15; 15:7,15; 17:8) englobe maintenant toute la terre. La Nouvelle Jérusalem descend  

     vers une terre recréée, et non plus seulement ou exclusivement au Proche-Orient (cfr. Apocalypse 21-22).

4.  D’autres exemples des concepts prophétiques de l’Ancien Testament qui ont été étendus sont:

      a.  La descendance d’Abraham comprend maintenant tous les circoncis spirituels (cfr. Rom. 2:28-29)

      b.  Le peuple de l’alliance inclut maintenant les Gentils (cfr. Osée 1:10; 2:23, cité dans Rom. 9:24-26; Lév. 26:12; Exode 29:45, cités dans 2 Cor. 6:16-18 et Exo. 19:5; Deut. 14:2, cités dans Tite 2:14)

      c.  Le temple c’est maintenant Jésus (cfr. Matth. 26:61; 27:40; Jean 2:19-21) et à travers lui l’église locale (cfr. 1 Cor. 3:16) et/ou les croyants individuellement (cfr. 1 Cor. 6:19)

      d.  Même Israël et ses expressions descriptives caractéristiques de l’Ancien Testament réfèrent maintenant au peuple de Dieu dans son ensemble (“Israël,” cfr. Rom. 9:6; Gal. 6:16, “royaume des sacrificateurs,” cfr. 1 Pierre 2:5,

           9-10; Apoc. 1:6)

 

Le modèle prophétique a été accompli, élargi, et est maintenant plus inclusif. Jésus et les auteurs Apostoliques ne présentent pas la fin des temps de la même manière que les prophètes de l’Ancien Testament (cfr. Martin Wyngaar-den, ‘‘The Future of The Kingdom in Prophecy and Fulfillment’’). Les interprètes modernes qui essayent de rendre le modèle de l’Ancien Testament littéral ou normatif tordent l’Apocalypse en un livre très Juif, et forcent sa significa-tion en expressions ou paroles atomisées ou ambiguës de Jésus et Paul! Les auteurs du Nouveau Testament ne nient pas les prophètes de l’Ancien Testament, mais montrent leur ultime implication universelle. L’eschatologie de Jésus ou de Paul n’a pas un système organisé ou logique; Leur objectif est essentiellement redemptive ou pastoral. Cependant, même dans le Nouveau Testament on trouve de la tension. On n’y trouve pas une systématisation claire des événements eschatologiques. C’est surprenant qu’au lieu de recourir aux enseignements de Jésus pour décrire la fin (Matthieu 24; Marc 13), le livre d’Apocalypse recourt plutôt aux allusions de l’Ancien Testament! Il suit le genre lit-téraire initié par Ezéchiel, Daniel, et Zacharie, mais développé durant la période inter-testamentale (littérature apocalyptique Juive). C’était peut-être pour Jean une manière de faire le lien entre l’Ancienne et la Nouvelle Alliances. Cela montre le vieux modèle de la rébellion humaine et l’engagement de Dieu à la rédemption! Mais il faut noter que même si l’Apocalypse emploie le langage, les personnes et les événements de l’Ancien Testament, il les reinter-prète cependant à la lumière de Rome du premier siècle (cfr. Apoc. 1:7).

 

DEUXIÈME TENSION (Le monothéisme face à un peuple élu)

La Bible souligne l’existence d’un Dieu personnel, spirituel, créateur-rédempteur (cfr. Ex. 8:10; Es. 44:24; 45:5-7,14,18,21-22; 46:9; Jér. 10:6-7). En son temps, l’Ancien Testament était unique par son monothéisme. Toutes les nations environnantes étaient polythéistes. Le caractère unique de Dieu est le coeur de la révélation de l’Ancien Testament (cfr. Deut. 6:4). La création est une plateforme pour la réalisation de la communion entre Dieu et l’homme créé à son image et ressemblance (cfr. Gen.1:26-27). Cependant, l’homme s’est rebellé, péchant contre l’amour, le leadership, et le dessein de Dieu (cfr. Genèse 3). Mais l’amour et le dessein de Dieu étaient si forts et certains qu’il promit de racheter l’humanité déchue (cfr. Gen. 3:15)!

La tension survint quand Dieu choisit de se servir d’un homme, d’une famille, d’une nation pour atteindre le reste de la race humaine. L’élection, par Dieu, d’Abraham et des Juifs en tant que royaume des sacrificateurs (cfr. Exode 19: 4-6) a suscité en eux de l’orgueil au lieu du service, de l’exclusion au lieu de l’inclusion. L’appel de Dieu à Abraham impliquait intentionnellement la bénédiction de toute la race humaine (cfr. Gen. 12:3). Il y a ici lieu de rappeler et de souligner que l’élection de l’Ancien Testament avait pour but le service, et non le salut. Israël dans son ensemble n’était pas en règle avec Dieu; Ils n’étaient pas tous éternellement sauvés d’office sur la seule base de leur droit de

naissance (cfr. Jean 8:31-59; Matth. 3:9), mais il fallait plutôt une foi et une obéissance personnelles (cfr. Gen. 15:6, cité dans Romains 4:3,9,22; Gal. 3:6). Pour avoir transformé le mandat en privilège, et le service en position spé-ciale, Israël a échoué dans sa mission (aujourd’hui c’est l’Eglise qui constitue le royaume des sacrificateurs, cfr. 1:6; 2 Pierre 2:5, 9)! Dieu avait choisi une nation pour qu’elle choisisse toutes les nations!

 

TROISIÈME TENSION (Les alliances conditionnelles face aux alliances inconditionnelles)

Il existe une tension ou un paradoxe théologique entre les alliances conditionnelles et inconditionnelles. Il est certes vrai que le dessein/plan rédemptif de Dieu est inconditionnel (cfr. Gen. 15:12-21); cependant, la réponse humaine est toujours obligée et conditionnelle!

Le modèle “si… alors” apparaît aussi bien dans l’Ancien que dans le Nouveau Testament. Dieu est fidèle; l’homme est infidèle. Cette tension a suscité beaucoup de confusion. Les interprètes ont souvent tendance à se focaliser seule-ment sur une “corne du dilemme,” savoir la fidélité de Dieu ou l’effort humain, la souveraineté de Dieu ou le libre-arbitre de l’homme. Cependant, tous deux sont bibliques et nécessaires. Voir Thème Spécial: L’Election/Prédestina-tion et la Nécessité d’un Equilibre Théologique.

Cela se rapporte à l’eschatologie, aux promesses de Dieu envers Israël. Lorsque Dieu promet, il réalise! Dieu est lié par ses promesses; il y va de sa réputation (cfr. Ezéch. 36:22-38). Les alliances conditionnelle et inconditionnelle se rencontrent en Christ (cfr. Esaïe 53), et non en Israël! La fidélité sans faille de Dieu repose sur la rédemption de tout celui qui se repent et croit, et non sur la base de qui était ton père ou ta mère! Christ, et non Israël, est la clé pour toutes les alliances et promesses de Dieu. S’il y a une parenthèse théologique dans la Bible, c’est bien Israël, et non l’Eglise (cfr. Actes 7 et Galates 3).

La mission mondiale de la proclamation de l’Evangile a été transférée à l’Eglise (cfr. Matth. 28:19-20; Luc 24:47; Actes 1:8). Elle demeure encore une alliance conditionnelle! Cela n’implique pas que Dieu ait totalement rejeté les Juifs (cfr. Rom. 9-11). Il y a bien une place et un dessein pour l’Israël croyant de fin des temps (cfr. Zach. 12:10).

 

QUATRIÈME TENSION (Le modèle littéraire du Proche-Orient face au modèle occidental).

Le genre constitue un élément critique pour l’interprétation correcte de la Bible (voir le livre de Fee et Stuart, “How To Read the Bible For All Its Worth”). L’Eglise s’est développée dans un contexte culturel occidental (Grec). Comparé au modèle littéraire de la culture occidentale, la littérature orientale est beaucoup plus figurative, métaphorique et symbolique (voir Thème Spécial: La Littérature Orientale [Les Paradoxes Bibliques]); Elle se focalise plus sur les personnes, les rencontres (obstacles) et les événements plutôt que sur des propositions succintes de la vérité. Il est reproché aux Chrétiens de se servir de leur histoire et de leurs modèles littéraires pour interpréter la prophé-tie biblique (aussi bien l’Ancien que le Nouveau Testament). Chaque génération et chaque entité géographique s’est servi de sa culture, de son histoire, et de sa littéralité pour pouvoir interpréter le livre de l’Apocalypse. Mais cha- cune d’elles a failli! C’est en effet aberrant et arrogant de penser que la culture moderne occidentale constitue le point focal de la prophétie biblique!

Le genre que choisit tout auteur originel et inspiré pour écrire son message constitue un contrat littéraire avec le lecteur (Bruce Corley). Le livre de l’Apocalypse n’est pas une narration historique. C’est une combinaison de plusieurs genres; on y trouve des lettres (chapitres 1-3), des prophéties, et principalement de la littérature ou genre apocalyptique. Faire dire à la Bible plus que n’avait été l’intention de l’auteur originel est autant condamnable que lui en faire dire moins! C’est même encore beaucop plus inapproprié de faire intervenir l’arrogance et le dogmatisme des interprètes dans un livre tel que l’Apocalypse.

 

On ne s’est jamais accordé au sein de l’Eglise sur une interprétation appropriée de l’Apocalypse. Ma préoccupation est d’écouter et considérer la Bible dans son ensemble, et non de me contenter de quelques portions sélectionnées. La mentalité orientale contenue dans la Bible présente la vérité sous forme de paires des tensions. Notre tendance occidentale orientée vers la vérité propositionnelle n’est pas invalide, mais elle est non-équilibrée! Je pense qu’il est possible d’enrayer tout au moins quelques unes des impasses qui interviennent dans l’interprétation de l’Apocalypse, en tenant compte de son dessein qui change selon les générations successives des croyants. En effet, pour la plu-part d’interprètes, il est évident que le livre de l’Apocalypse doit être interprété selon son époque et son genre propres. Une approche historique en rapport avec l’Apocalypse devrait être celle qui vise à découvrir quelle en a ou au-rait été la compréhension de ses tout premiers lecteurs. Les interprètes modernes ont, de plusieurs manières, perdu la signification de la plupart des symbols du livre. Initialement, le livre de l’Apocalypse avait comme trait principal l’encouragement des croyants persécutés: Il montrait (à l’instar des prophètes de l’Ancien Testament ) que le cours de l’histoire [du monde] était sous contrôle de Dieu; et il affirmait (à l’instar des prophètes de l’Ancien Testament) que l’histoire avançait vers un terminus prescrit pour le jugement ou pour la bénédiction, selon le cas; Il affirmait en des termes apocalyptiques Juifs du premier siècle l’amour, la présence, la puissance, et la souveraineté de Dieu!

C’est avec ces mêmes points de vue théologiques qu’il fonctionne pour chaque génération des croyants. Il dépeint la lutte cosmique entre le bien et le mal. Les détails du premier siècle peuvent s’avérer perdus pour nous, mais il n’en est pas ainsi des vérités puissantes et consolantes. Lorsque les interprètes modernes, occidentaux, tentent de forcer les détails de l’Apocalypse selon leur histoire contemporaine, le modèle de fausses interprétations continue alors son chemin!

Selon que la dernière génération des croyants sera face aux attaques véhémentes d’une culture et d’un leader opposés à Dieu (cfr. 2 Thessaloniciens 2), il est bien possible que les détails du livre redeviennent encore frappants d’une manière littérale (comme ce fut le cas avec l’Ancien Testament en rapport avec la naissance, la vie, et la mort du Christ). Jusqu’à ce que les paroles de Jésus (cfr. Matth. 24; Marc13; et Luc 21) et de Paul (cfr. 1 Corinth. 15; 1 Thes. 4-5; et 2 Thes. 2) deviennent historiquement évidentes, personne ne peut connaître de manière littérale ces accomplissements de l’Apocalypse. La conjecture (ou fait de déviner), la spéculation, et le dogmatisme sont donc tous

inappropriés. La littérature apocalyptique permet cette flexibilité. Dieu merci pour les images et symboles qui dépassent la narration historique! Dieu est bien aux commandes; Il règne, et il vient!

 

La plupart des commentaires modernes loupent ce point crucial relatif au genre. Au lieu d’être honnêtes et souples face au genre plutôt ambigu, symbolique et dramatique de la littérature apocalyptique Juive, les interprètes occi-denttaux modernes cherchent généralement un système de théologie clair ou logique. Cette vérité est mieux exprimée par Ralph P. Martin dans son article, “Approaches to New Testament Exegesis,” contenu dans le livre ‘‘New Testament Interpretation,’’ édité par I. Howard Marshall:

           “A moins pour nous de reconnaître la qualité dramatique de cette oeuvre et nous rappeler la manière avec laquelle on se sert du langage comme d’un véhicule pour exprimer la vérité religieuse, nous allons péniblement  

             errer dans notre compréhension de l’Apocalypse, et essayer d’interpréter faussement ses visions comme si c’était un livre de prose littérale et destiné à décrire les événements de l’histoire empirique et datable. Oser suivre  

             cette dernière voie c’est se jeter dans toutes sortes de problèmes d’interprétation. Plus grave encore, cela conduit à une déformation de la signification essentielle de ce qui est apocalyptique, et ainsi loupe la grande valeur

             de cette portion du Nouveau Testament en tant qu’affirmation dramatique dans un langage mytho-poétique de la souveraineté de Dieu en Christ, et le paradoxe de son règne qui combine puissance et amour (cfr. 5:5,6; le   

             Lion est aussi l’Agneau)” (p. 235).

 

Dans son livre ‘‘Biblical Interpretations,’’ W. Randolph Tate a dit:

            “Aucun autre genre de la Bible n’a été lu avec autant de ferveur pour des résultats aussi déprimants que n’ont été particulièrement les livres de Daniel et d’Apocalypse. Ce genre a souffert d’une histoire désastreuse de mau- 

              vaise interprétation due à une incompréhension fondamentale de ses forme, structure et objectif littéraires. Etant donné sa prétention à révéler ce qui va arriver sous peu, Apocalypse a été considéré comme une carte rou-

              tière ou un plan détaillé du futur. L’inconvénient de ce point de vue est de poser comme cadre de référence du livre l’âge contemporain du lecteur plutôt que celui de l’auteur. Cette approche apocalyptique malencontreuse  

              traite l’oeuvre comme s’il s’agissait d’un cryptogramme pouvant permettre de se servir des événements contemporains pour interpréter le symbole du texte… L’interprète doit avant tout reconnaître que le genre apocalyp-

              tique communique son message par le symbolisme. Interpréter littéralement un symbole alors qu’il est par essence métaphorique, c’est simplement une mésinterprétation. L’important n’est pas de savoir si les événements     

              apocalyptiques sont historiques. Les événements peuvent être historiques; ils peuvent s’être effectivement déroulés, ou être à même de se dérouler, mais l’auteur présente les événements et communique leur signification

              au travers des images et archétypes’’ (p. 137).

 

Dans le ‘‘Dictionary of Biblical Imagery,’’ édité par Ryken, Wilhost et Longman III affirment:

            “Les lecteurs modernes sont souvent perplexes et frustrés par ce genre. Son imagerie inespérée et ses expériences hors de ce monde paraissent bizarres et non synchronisées avec une grande partie des Ecritures. Beaucoup

              de lecteurs qui prennent cette littérature au pied de la lettre se voient embrouillés pour déterminer ‘ce qui arrivera à tel moment,’ loupant ainsi l’intention véritable du message de l’Apocalypse.” (p. 35).

 

CINQUIÈME TENSION (Le Royaume de Dieu est même temps présent et futur)

Le royaume de Dieu est en même temps présent et futur. Ce paradoxe théologique est devenu le point de mire ou point focal de l’eschatologie. Si l’on s’attend à un accomplissement littéral de toutes les prophéties de l’Ancien Testa-ment au profit d’Israël, alors le Royaume devient essentiellement une restauration d’Israël dans une région géographique et dans une prééminence théologique! Cela nécessite que l’Eglise soit secrètement enlevée au chapitre 5 et que le reste des chapitres se rapportent à Israël (notez cependant Apoc. 22:16).

Par contre, si l’on met l’accent sur le royaume comme étant inauguré par le Messie promis de l’Ancien Testament, alors, avec la première venue du Christ, le royaume est présent et ainsi le point focal ou le centre d’attention devient l’incarnation, la vie, les enseignements, la mort, et la resurrection du Christ. L’accent théologique est mis sur le salut en cours. Le royaume est venu, l’Ancien Testament est accompli dans le don du salut du Christ offert à tout le monde, et non dans son règne millénaire sur quelques uns!

Il est vrai que la Bible parle de deux venues du Christ, mais où faut-il mettre l’accent ? Il me semble que la plupart des prophéties de l’Ancien Testament mettent l’accent sur la première venue, qui constitue l’établissement du royau-me Messianique (cfr. Daniel 2). Cela est, de plusieurs manières, analogue au règne éternel de Dieu (cfr. Daniel 7). Dans l’Ancien Testament l’accent est mis sur le règne éternel de Dieu, mais le mécanisme de la manifestation dudit règne est le ministère du Messie (cfr. 1 Cor. 15:26-27). La question n’est pas de savoir laquelle de deux venues est vraie, car toutes les deux sont vraies; mais c’est de savoir où faut-il mettre l’accent? Par ailleurs, il y a lieu de relever

que certains interprètes deviennent tellement focalisés sur le règne millénaire du Messie (cfr. Apoc. 20) qu’ils ignorent la projection biblique du règne éternel du Père. Le règne du Christ est un événement préliminaire. Ni les deux venues du Christ, ni le règne temporel du Messie ne sont évidents dans l’Ancien testament!

Le point-clé de la prédication et des enseignements de Jésus est le royaume de Dieu, qui est à la fois présent (en ce qui concerne le salut et le service), et futur (en ce qui concerne la puissance et l’influence ou propagation). L’Apoca-lypse se focalise sur le règne millénaire Messianique (cfr Apoc. 20) de manière préliminaire et non ultime (cfr. Apoc. 21-22). Vu sous l’angle de l’Ancien Testament, il n’est pas évident qu’un règne millénnaire soit nécessaire; pour preuve, le règne Messianique de Daniel 7 est éternel, et non millénnaire.

 

SIXIÈME TENSION (Le retour imminent de Christ face à la ‘‘Parousia’’ ou apparition différée)

La plupart des croyants ont été enseignés que Jésus revient bientôt, de manière soudaine et inattendue (cfr. Matth. 10:23; 24:27,34,44; Marc 9:1; 13:30; Apoc. 1:1,3; 2:16; 3:11; 22:7,10,12,20; voir Thème Spécial: Retour Imminent).

Mais chaque génération (des croyants) qui a espéré voir ce retour n’en a pas vu l’accomplissement! L’imminence (immédiateté) du retour de Jésus est une puissante promesse pour toutes les générations, mais une réalité pour une seule génération (à savoir celle qui sera persécutée). Les croyants se doivent de vivre comme s’il va arriver demain, mais tout en continuant à planifier et exécuter la Grande Commission (cfr. Matth. 28:19-20) si jamais il tardait à venir.

Il y a dans les Evangiles (cfr. Marc 13:10; Luc 17:2; 18:8) et dans 1 et 2 Thessaloniciens quelques passages portant sur la Seconde Venue différée (Parousia). Avant cela, quelques événements historiques doivent préalablement avoir lieu:

1.  L’évangélisation sur l’échelle mondiale (cfr. Matth. 24:14; Marc 13:10)

2.  L’apparition de “l’homme de l’Iniquité” (cfr. Matth. 24:15; 2 Thes. 2; Apocalypse 13)

3.  La grande persécution (cfr. Matth. 24:21, 24; Apoc. 13)

Il s’agit d’une ambigüité intentionnelle (cfr. Matth. 24:42-51; Marc 13:32-36)! Vivez chaque jour comme si c’était votre dernier jour, mais en même temps préparez-vous et formez-vous pour le ministère futur!

 

CONSISTANCE (COHÉRENCE) ET ÉQUILIBRE

Il y a lieu de noter que les différentes écoles modernes d’interprétation eschatologique detiennent toutes des demi-vérités. Elles expliquent et interprètent bien certains textes, mais la difficulté réside dans la cohérence et l’équilibre. Bien souvent, il y a une série de présuppositions qui se servent du texte biblique pour combler ou habiller le squelette théologique préétabli. La Bible ne révèle pas une eschatologie logique, chronologique, et systématique. C’est com-me un album-photos d’une famille; les photos sont bien vraies, mais pas toujours en ordre, ou dans un contexte ou sequence logique. Certaines photos sortent de l’album et tombent sans que les générations ultérieures des membres de famille ne sachent exactement comment les remettre en place. La clé pour une interprétation appropriée de l’Apocalypse est l’intention de l’auteur originel telle que révélée dans son choix du genre littéraire. Dans leur interpré-tation de l’Apocalypse, la plupart d’interprètes tentent de tirer leurs outils et procédures exégétiques des autres genres du Nouveau Testament. Ils se focalisent sur l’Ancien Testament au lieu de laisser les enseignements de Jésus et de Paul dresser la structure théologique, et laisser l’Apocalypse agir de manière illustrative.

Je dois avouer que j’aborde ce commentaire avec une certaine crainte et trépidation, non pas à cause de la malédiction d’Apocalypse 22:18-19, mais à cause du degré de la controverse que l’interprétation de ce livre a causée et con-tinue de causer au sein du peuple de Dieu. J’aime la revelation de Dieu. Elle est vraie lorsque tous les hommes s’avèrent être menteurs (cfr. Rom. 3:4)! De grâce, considérez ce commentaire comme un essai qui pousse à la reflexion, et non comme une règle définitive; un panneau de signalisation routière, et non une carte routière; un ‘‘que pensez-vous de…,’’ et non un “ainsi dit le Seigneur.” J’en suis arrivé à un face-à-face avec mes propres insuffisances, pen-chants et agenda théologiques. J’ai également vu ceux des autres interprètes. Il semble que les gens trouvent dans Apocalypse presque tout ce à quoi ils s’attendent. Le genre lui-même se prête aux abus! Cependant, ce n’est pas sans raison qu’il se trouve dans la Bible. C’est bien pour une raison qu’il s’y trouve placé comme “un mot” de la fin; ce n’est pas du tout par accident! Il contient un message de la part de Dieu pour ses enfants de chaque génération. Dieu veut nous voir comprendre! Joignons donc nos mains, et évitons de former des camps; affirmons ce qui est clair et central, et non tout ce qui pourrait être vrai. Puisse Dieu nous aider tous!

 

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